Travailler à l’étranger ou de façon transfrontalière impose de comprendre à quel régime de sécurité sociale on cotise, quelles assurances on doit souscrire, et quelle couverture on obtient réellement.
Découvrez comment fonctionnent les cotisations, assurances et couvertures de sécurité sociale pour les travailleurs mobiles, expatriés ou en télétravail international.
Le sujet vulgarisé
Quand on part vivre ou travailler dans un autre pays — pour quelques mois ou pour plusieurs années — on emporte avec soi ses compétences mais aussi ses droits sociaux : assurance maladie, retraite, invalidité, etc. Le problème, c’est que chaque pays a son propre système de sécurité sociale, et quand on bouge, on ne peut pas toujours rester affilié à celui de son pays d’origine. Prenons un exemple simple : Pauline vit en France mais travaille pour une entreprise allemande depuis Berlin. Elle se demande : « est-ce que je dois cotiser au système français ou au système allemand ? Et si je tombe malade, est-ce que je suis bien remboursée ? ». Dans l’Union européenne, il y a des règles qui déterminent dans quel pays on dépend pour la sécurité sociale. En général, on cotise dans le pays où l’on travaille. Mais si on continue de vivre dans un autre pays ou de travailler depuis un autre pays, la règle est plus complexe : si on accomplit une « part importante » (par exemple plus de 25 %) de son travail dans son pays de résidence, on peut alors être affilié dans le pays où l’on réside. En dehors de l’UE, c’est encore plus délicat : certains pays ont des accords bilatéraux avec la France, d’autres non, et on peut alors se retrouver sans couverture locale compatible ou dans l’obligation de souscrire une assurance privée. Par exemple, un travailleur français expatrié au Maroc devra vérifier s’il relève du régime français ou du régime local, ou s’il doit adhérer à la Caisse des Français de l’Étranger (CFE) pour maintenir une couverture française.
Pour un travailleur mobile, la question sociale devient aussi centrale que la question fiscale : choisir son lieu de travail, son lieu de résidence, c’est aussi choisir à quel régime on cotise, quelle couverture on aura, et combien cela va coûter. Anticiper ces choix évite les trous de couverture, les doubles cotisations ou la perte de droits.
En résumé
La mobilité internationale des travailleurs impose de déterminer le régime de sécurité sociale applicable : pays d’emploi, pays de résidence, certificat A1, affiliation locale ou adhésion à la CFE. Chaque situation — détachement, expatriation, télétravail — appelle des règles différentes. Bien anticiper évite des risques de double cotisation, d’absence de couverture ou de perte de droits retraite.
Plan synthétique
- Le mécanisme général de la couverture sociale pour les travailleurs mobiles
- Les règles européennes de coordination : affiliation, formulaire A1, régime de résidence
- L’affiliation sociale hors de l’Union européenne : bilatéraux, CFE, assurance privée
- Les cotisations sociales : qui cotise, combien, dans quel pays ?
- La couverture santé et maladie : droits, remboursements, assurance complémentaire
- Les implications retraite, invalidité, maternité pour les travailleurs mobiles
- Conseils pratiques pour choisir et sécuriser sa couverture sociale avant mobilité
1. Le mécanisme général de la couverture sociale pour les travailleurs mobiles
La mobilité professionnelle internationale bouleverse les repères traditionnels de la sécurité sociale. Dès qu’un salarié, un indépendant ou un entrepreneur exerce une activité à l’étranger, il devient essentiel de déterminer à quel régime de sécurité sociale il est rattaché, quelles cotisations il doit verser, et quelles prestations il peut percevoir. Ces règles visent à garantir la continuité de la protection sociale tout en évitant les doubles affiliations ou, au contraire, les périodes sans couverture.
Le principe fondamental : une seule législation applicable à la fois
Selon les principes posés par l’Organisation internationale du Travail (OIT) et repris dans la réglementation européenne, toute personne exerçant une activité professionnelle est soumise à la législation d’un seul État à la fois. Ce principe vise à empêcher la double cotisation — situation dans laquelle un travailleur paierait des charges sociales dans deux pays pour les mêmes revenus.
Ce principe s’applique quel que soit le statut :
- salarié,
- travailleur indépendant,
- fonctionnaire,
- stagiaire ou apprenti en mobilité.
La règle générale est simple :
On est affilié à la sécurité sociale du pays dans lequel on exerce physiquement son activité.
Ainsi, une consultante française qui s’installe à Madrid pour travailler dans une entreprise espagnole cotisera en Espagne, même si elle conserve son domicile en France. À l’inverse, un ingénieur belge détaché temporairement à Lyon reste affilié au régime belge s’il dispose d’un certificat A1 (voir partie 2).
Les situations types de mobilité
Le droit distingue trois formes principales de mobilité professionnelle :
- Le détachement
Le salarié reste lié à son employeur d’origine et continue à cotiser dans le pays d’envoi, tout en travaillant temporairement à l’étranger.
- Durée : jusqu’à 24 mois dans l’Union européenne (règlement CE n° 883/2004), prolongeable dans certains cas.
- Document clé : le formulaire A1, délivré par l’organisme de sécurité sociale du pays d’origine.
- Avantage : maintien des droits dans le régime d’origine sans double cotisation.
- L’expatriation
Le salarié ou l’indépendant s’installe durablement à l’étranger et cesse d’être affilié au régime français.
- Il cotise au régime local du pays d’accueil.
- Il peut adhérer à la Caisse des Français de l’Étranger (CFE) pour conserver une continuité de couverture maladie, invalidité et retraite.
- Le pluriactif ou télétravailleur international
Le travailleur exerce son activité dans plusieurs États à la fois (par exemple, 60 % du temps en France, 40 % en Italie).
- Le critère déterminant devient la résidence habituelle et la part significative du travail effectuée dans ce pays (au moins 25 % du temps).
- Dans ce cas, l’affiliation se fait dans le pays de résidence.
La notion de résidence sociale et d’établissement
La résidence sociale n’est pas toujours identique à la résidence fiscale. Elle dépend du lieu où la personne exerce son activité principale et du pays où elle perçoit ses prestations sociales (maladie, retraite, allocations familiales).
Par exemple :
- Un salarié français travaillant 10 mois par an en Suisse et 2 mois en France sera affilié au régime suisse, même s’il conserve son logement principal à Lyon.
- Un consultant belge travaillant pour plusieurs clients depuis Lisbonne, mais rattaché administrativement à Bruxelles, pourra être considéré comme affilié au régime portugais s’il y réside plus de 183 jours par an.
La portabilité des droits sociaux
L’un des enjeux majeurs de la mobilité est la portabilité des droits sociaux, c’est-à-dire la capacité à conserver ou transférer les droits acquis (santé, retraite, chômage) d’un pays à l’autre.
Dans l’Union européenne, cette portabilité est garantie par les règlements CE n° 883/2004 et 987/2009 :
- Les périodes de travail effectuées dans différents pays membres sont totalisées pour le calcul de la retraite.
- Les prestations maladie sont accessibles lors de séjours temporaires via la Carte européenne d’assurance maladie (CEAM).
- Les allocations chômage peuvent être exportées pendant 3 mois vers un autre pays européen.
Hors Union européenne, cette portabilité dépend de la signature d’un accord bilatéral de sécurité sociale. La France en a conclu plus de 40 à ce jour, notamment avec le Canada, le Maroc, la Turquie, le Japon et le Brésil.
Les enjeux contemporains de la mobilité
Avec la montée du télétravail international, les règles de sécurité sociale font face à de nouveaux défis :
- Les entreprises doivent déclarer les travailleurs exerçant à distance depuis l’étranger pour éviter les requalifications.
- Les travailleurs indépendants doivent gérer leurs affiliations entre pays, souvent via la CFE ou des assurances privées.
- L’Union européenne étudie actuellement une harmonisation du statut du télétravailleur transfrontalier, qui pourrait aboutir à un seuil spécifique d’activité (jusqu’à 49 % dans le pays de résidence sans changement d’affiliation).
Ainsi, la mobilité ne se résume plus à une expatriation classique, mais à une gestion fine de la localisation de l’activité et des cotisations correspondantes.
2. Les règles européennes de coordination : affiliation, formulaire A1, régime de résidence
La mobilité professionnelle au sein de l’Union européenne repose sur un système unique de coordination des régimes de sécurité sociale. Ces règles visent à garantir qu’un travailleur ne soit affilié qu’à un seul régime à la fois, qu’il ne perde pas ses droits acquis et qu’il puisse bénéficier de prestations quel que soit le pays où il exerce. Ce cadre est défini principalement par les règlements (CE) n° 883/2004 et n° 987/2009, qui s’appliquent à tous les États membres de l’Union, ainsi qu’à la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et la Suisse.
Un principe fondateur : l’unicité de la législation applicable
Le cœur du système européen repose sur un principe simple :
« Une personne ne peut être soumise qu’à la législation d’un seul État membre à la fois. »
Autrement dit, même si un salarié travaille dans plusieurs pays européens, il cotise et bénéficie des prestations sociales dans un seul pays. Ce mécanisme évite les doubles cotisations tout en assurant la continuité des droits.
Les organismes de sécurité sociale des États membres échangent automatiquement les informations nécessaires via la plateforme EESSI (Electronic Exchange of Social Security Information). Ce système permet de certifier le pays compétent, d’éviter les fraudes et de garantir une couverture cohérente.
Le certificat A1 : la clé de l’affiliation
Le formulaire A1 est le document officiel qui atteste de la législation de sécurité sociale applicable à un travailleur exerçant dans plusieurs pays.
Il est délivré par l’organisme de sécurité sociale du pays d’affiliation et doit être présenté aux autorités du pays d’accueil en cas de contrôle.
Son rôle essentiel
- Il prouve que le travailleur reste affilié au régime de son pays d’origine.
- Il évite les cotisations sociales multiples dans les pays de mission.
- Il permet à l’employeur de continuer à verser les contributions dans le pays d’envoi.
Conditions d’obtention
Le formulaire A1 s’applique notamment aux situations suivantes :
- Détachement temporaire : le salarié reste employé par une société de son pays d’origine mais travaille temporairement dans un autre État membre.
- Durée maximale : 24 mois (prolongeable avec accord bilatéral).
- L’entreprise doit prouver un lien de subordination continu et une activité significative dans le pays d’envoi.
- Pluriactivité : le travailleur exerce des activités dans plusieurs États membres.
- Il doit déclarer la répartition de son temps de travail et de ses revenus.
- Si au moins 25 % de son activité (ou de ses revenus) est réalisée dans son pays de résidence, il reste affilié à ce régime.
Exemple : une ingénieure italienne partage son temps entre Milan (60 %) et Paris (40 %). Elle reste affiliée au régime italien. Si la situation s’inverse (40 % en Italie, 60 % en France), elle devient affiliée au régime français.
Le cas du télétravail transfrontalier
Depuis la généralisation du travail à distance, l’Union européenne a adapté temporairement ses règles.
- Jusqu’en 2023, tout travail effectué depuis le pays de résidence entraînait, dès 25 % du temps, un changement automatique d’affiliation.
- En 2024, une nouvelle tolérance a été introduite : un télétravailleur peut désormais exercer jusqu’à 49 % de son activité dans son pays de résidence sans modifier son régime d’affiliation, à condition que l’employeur soit d’accord et que les deux États concernés aient signé l’accord multilatéral européen (France, Allemagne, Belgique, Espagne, etc.).
Ce dispositif, en vigueur jusqu’en 2026, s’applique particulièrement aux salariés transfrontaliers, par exemple entre la France et le Luxembourg.
Les droits et prestations dans l’Union européenne
Le système de coordination garantit la portabilité intégrale des droits sociaux :
- Assurance maladie : la Carte européenne d’assurance maladie (CEAM) permet aux travailleurs et à leurs familles de bénéficier de soins urgents ou nécessaires dans n’importe quel pays membre, dans les mêmes conditions que les résidents locaux.
- Retraite : les périodes de cotisation dans différents pays européens sont additionnées pour le calcul du droit à pension, chaque État versant une part proportionnelle à la durée cotisée sur son territoire.
- Allocations familiales et chômage : les prestations sont coordonnées entre États, avec un mécanisme de priorité selon la situation familiale et le pays d’emploi.
En pratique, un salarié français détaché trois ans en Allemagne continue à percevoir les remboursements de soins français, peut cumuler ses trimestres de retraite allemands et français, et conserve ses droits à prestations familiales dans le cadre de la coordination européenne.
La fin de mission et la continuité de couverture
À la fin d’un détachement ou d’une mission multinationale, le travailleur doit :
- notifier la fin de son certificat A1 à l’administration compétente ;
- s’affilier, le cas échéant, au régime local du pays où il poursuit son activité ;
- vérifier la continuité de ses droits maladie et retraite, notamment en cas de période transitoire entre deux affiliations.
En cas de retour dans le pays d’origine, la réintégration se fait sans délai ni perte de droits, sous réserve de fournir les attestations européennes E104 (maladie) et U1 (chômage).
Une coordination qui évolue avec les mobilités nouvelles
Face à l’explosion du télétravail international et des statuts hybrides (freelance, consultant, nomade numérique), l’Union européenne prépare une modernisation des règlements 883/2004 et 987/2009.
Les objectifs :
- simplifier la procédure d’obtention du certificat A1 ;
- harmoniser les règles pour les travailleurs indépendants ;
- et clarifier le statut des télétravailleurs « nomades » exerçant depuis plusieurs pays sans employeur unique.
Cette réforme, prévue pour 2026, doit permettre de sécuriser les droits sociaux des travailleurs mobiles tout en maintenant la compétitivité des entreprises européennes.
3. L’affiliation sociale hors de l’Union européenne : accords bilatéraux, CFE, assurance privée
Hors du périmètre européen, la protection sociale des travailleurs mobiles devient bien plus complexe. En l’absence d’un cadre commun comme celui de l’Union européenne, la continuité de la couverture dépend principalement des accords bilatéraux de sécurité sociale, ou à défaut, de dispositifs individuels comme la Caisse des Français de l’Étranger (CFE) ou une assurance privée internationale.
Les accords bilatéraux de sécurité sociale
La France a conclu à ce jour plus de 40 conventions bilatérales de sécurité sociale avec des pays partenaires, dont le Canada, le Japon, le Maroc, la Turquie, la Corée du Sud, les États-Unis ou encore le Brésil. Ces accords permettent d’éviter les doubles cotisations et d’assurer la continuité des droits en matière de retraite, maladie, maternité, invalidité ou accidents du travail.
Les principes communs
Chaque convention repose sur quatre piliers fondamentaux :
- Égalité de traitement : un ressortissant français est soumis aux mêmes règles que les citoyens du pays d’accueil.
- Détermination d’un seul régime applicable : le travailleur ne cotise qu’à un seul système à la fois.
- Totalisation des périodes : les périodes de cotisation dans les deux pays sont additionnées pour calculer les droits à la retraite.
- Exportation des prestations : certaines allocations peuvent continuer à être versées après le retour en France.
Exemple concret
Un salarié français envoyé au Canada pour quatre ans cotise au Régime de pensions du Canada (RPC). Grâce à la convention franco-canadienne, ses années de travail au Canada seront prises en compte dans le calcul de sa pension française. À son retour, il bénéficiera de la totalisation de ses périodes françaises et canadiennes, avec versement séparé de chaque part.
Les pays sans convention bilatérale
Lorsque la France n’a pas signé de convention avec un pays (comme l’Indonésie, la Thaïlande ou le Vietnam), la situation se complique :
- Le travailleur expatrié doit cotiser au régime local, souvent sans pouvoir transférer ses droits vers la France.
- Il peut perdre le bénéfice des trimestres de retraite français pour la durée de son séjour.
- En cas de maladie grave, l’accès aux soins dépendra du système local ou de la souscription à une assurance privée.
Dans ces pays, il est vivement recommandé de souscrire une protection complémentaire internationale couvrant les risques majeurs (maladie, invalidité, rapatriement).
La Caisse des Français de l’Étranger (CFE) : le lien social avec la France
La CFE joue un rôle central pour les expatriés français. Créée en 1978, elle permet de maintenir un lien de continuité avec la Sécurité sociale française, même en cas d’installation durable à l’étranger.
Les principaux régimes proposés
- Assurance maladie – maternité – invalidité
- Remboursements selon les barèmes de la Sécurité sociale française.
- Accès au réseau des hôpitaux conventionnés à l’étranger.
- Assurance accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP)
- Indemnisation en cas d’accident survenu pendant l’activité professionnelle.
- Assurance retraite
- Cotisation volontaire pour continuer à valider des trimestres auprès du régime général français.
Cotisations et adhésion
- Les cotisations sont calculées selon le revenu d’activité ou un forfait minimal, avec des taux moyens allant de 6 % à 8 % du revenu professionnel.
- L’adhésion est volontaire et peut être faite à tout moment, même après plusieurs années à l’étranger.
- Depuis 2022, la CFE propose également une formule famille et une adhésion pour indépendants plus flexible.
Exemple d’usage
Une entrepreneure française installée au Maroc depuis 2021 a choisi de cotiser à la CFE pour 8 % de son revenu mensuel (soit environ 240 € par mois). En 2025, une opération chirurgicale lourde lui coûte 3 500 €. La CFE lui rembourse 2 400 €, complétés par son assurance complémentaire privée. Sans la CFE, l’intégralité du coût aurait été à sa charge.
Les assurances privées internationales
Dans les pays sans accord bilatéral, ou lorsque le régime local est insuffisant, les assurances santé internationales prennent le relais.
Elles offrent une couverture plus large et des remboursements souvent supérieurs à ceux des régimes publics.
Types de garanties proposées
- Soins médicaux courants et hospitalisation mondiale.
- Assistance rapatriement et couverture des urgences.
- Indemnités journalières en cas d’incapacité temporaire.
- Assurance décès et invalidité permanente.
Les principales compagnies internationales (Allianz Worldwide Care, April International, Cigna Global, etc.) proposent des formules adaptées aux expatriés ou aux nomades numériques.
Coût moyen
- Pour un salarié ou freelance de 35 ans : entre 120 € et 250 € par mois selon la couverture.
- Pour une famille avec enfants : entre 300 € et 500 € par mois.
Le coût dépend de la zone géographique, du niveau de remboursement et des franchises choisies.
Limites
- Les assurances privées ne remplacent pas toujours la cotisation retraite ni les prestations familiales.
- Elles peuvent exclure les maladies préexistantes ou limiter la prise en charge après un certain âge.
- Elles ne dispensent pas d’une affiliation légale lorsque le pays d’accueil impose une assurance publique obligatoire.
Les dispositifs mixtes : CFE + assurance privée
La combinaison CFE + assurance privée est souvent considérée comme la solution la plus complète.
- La CFE garantit la continuité avec le système français (droits retraite, remboursements selon les barèmes français).
- L’assurance privée complète les remboursements et couvre les dépenses locales à des taux adaptés au coût réel des soins.
Exemple : un consultant français vivant à Dubaï souscrit à la CFE pour 7 % de son revenu et à une assurance complémentaire internationale couvrant les soins hospitaliers locaux. Il bénéficie ainsi d’une couverture globale équivalente à celle d’un salarié français, tout en étant protégé contre les frais médicaux élevés du Golfe.
Une protection variable selon la zone géographique
Les régimes les plus solides sont observés en Europe, Amérique du Nord, Japon et Australie, où les accords bilatéraux garantissent une coordination étroite avec la France.
Les zones les plus risquées pour la couverture sociale restent l’Afrique subsaharienne, le Moyen-Orient hors accords, et certaines parties de l’Asie du Sud-Est, où le système de santé reste partiellement privatisé et les assurances locales limitées.
4. Les cotisations sociales : qui cotise, combien, dans quel pays ?
Les cotisations sociales constituent le socle du financement des régimes de sécurité sociale dans le monde. Pour les travailleurs mobiles, elles représentent à la fois une obligation légale et un levier stratégique pour préserver leurs droits maladie, retraite et chômage. Cependant, la question essentielle demeure : dans quel pays doit-on cotiser, et sur quelle base ?
Le principe du pays d’exercice de l’activité
Le principe général, reconnu à la fois par le droit européen et par la plupart des conventions bilatérales, repose sur la règle de territorialité :
« Les cotisations sociales sont dues dans le pays où le travail est effectivement exercé. »
Autrement dit, un salarié ou un indépendant paie ses cotisations dans le pays où il exerce son activité, même si son employeur ou sa résidence se situent ailleurs.
Exemple concret :
- Une ingénieure française employée par une société basée à Paris mais travaillant à plein temps à Berlin paie ses cotisations sociales en Allemagne.
- Un consultant espagnol travaillant en France pour une entreprise espagnole paie en France, car il y exerce son activité.
Cette règle permet d’éviter les doubles cotisations et garantit une couverture cohérente.
Les situations dérogatoires : détachement et pluriactivité
1. Le détachement
Le détachement autorise un salarié à rester affilié au régime de son pays d’origine pendant une mission temporaire à l’étranger.
- Durée : jusqu’à 24 mois au sein de l’Union européenne (prolongeable par accord).
- Les cotisations continuent d’être versées dans le pays d’origine, au profit de la sécurité sociale nationale.
- Le salarié détaché bénéficie d’un formulaire A1, preuve de son affiliation.
Exemple :
Un ingénieur français envoyé 18 mois en Espagne reste affilié à la sécurité sociale française, et son employeur continue de verser les charges sociales en France. Il ne cotise donc pas en Espagne.
2. La pluriactivité
Un travailleur qui exerce dans plusieurs pays simultanément (par exemple 50 % du temps en France, 50 % en Italie) doit être affilié dans un seul État membre, selon la règle suivante :
- Si au moins 25 % de l’activité est réalisée dans le pays de résidence, les cotisations y sont dues.
- Sinon, elles sont versées dans le pays où se situe le siège principal de l’activité.
Les taux de cotisations sociales selon les pays
Les taux varient fortement d’un État à l’autre, influençant le coût du travail et la rémunération nette du salarié expatrié.
| Pays | Taux global salarié + employeur | Principales couvertures incluses |
|---|---|---|
| France | ~45 % du salaire brut | Maladie, retraite, chômage, allocations familiales |
| Allemagne | ~39 % | Santé, retraite, dépendance, chômage |
| Espagne | ~36 % | Santé, retraite, chômage, accidents du travail |
| Royaume-Uni | ~27 % (National Insurance) | Santé (NHS), retraite de base |
| États-Unis | ~15 % (FICA) | Retraite (Social Security), assurance santé partielle |
| Canada | ~14 % | Retraite (RPC), assurance emploi, santé provinciale |
| Émirats arabes unis | ~0 % | Couverture santé privée obligatoire |
Observation :
Les travailleurs expatriés hors Europe, notamment dans les pays sans sécurité sociale publique (Émirats, Singapour, Hong Kong), doivent obligatoirement souscrire une assurance privée ou adhérer à la CFE pour couvrir les risques majeurs.
Les cotisations des travailleurs indépendants à l’étranger
Les indépendants et freelances doivent eux aussi se conformer à la règle du pays d’exercice.
- Dans l’Union européenne, ils sont soumis au régime du pays où ils exercent effectivement leur activité.
- Hors UE, ils peuvent choisir entre :
- s’affilier au régime local,
- ou cotiser volontairement à la Caisse des Français de l’Étranger (CFE) pour maladie et retraite.
Exemple :
Un développeur web français exerçant depuis le Portugal dans le cadre du régime fiscal NHR reste soumis aux cotisations portugaises s’il y réside plus de 183 jours par an. En revanche, un freelance qui travaille quelques mois par an dans différents pays peut choisir la CFE pour maintenir une couverture stable.
Les contributions des employeurs internationaux
Les entreprises qui emploient des salariés mobiles doivent gérer les déclarations sociales dans plusieurs pays.
Elles sont tenues de :
- s’enregistrer auprès des autorités sociales locales ;
- effectuer les retenues sur salaire ;
- verser les cotisations patronales dans le pays compétent ;
- vérifier la validité du formulaire A1 ou des certificats d’affiliation bilatéraux.
En cas d’erreur ou d’absence de déclaration, les redressements peuvent être lourds :
- Jusqu’à 150 000 € d’amende pour travail dissimulé dans certains pays européens ;
- Paiement rétroactif des cotisations dues dans les deux États.
Les multinationales utilisent souvent des prestataires de gestion de la mobilité (Global Mobility Services) pour automatiser ces procédures et éviter les risques de non-conformité.
Les cotisations volontaires : un outil de continuité
Pour éviter les ruptures de couverture, les travailleurs mobiles peuvent verser des cotisations volontaires auprès d’organismes français :
- CFE – Retraite et maladie : validation de trimestres et maintien des droits aux soins.
- URSSAF – Assurance volontaire vieillesse : possibilité de racheter des périodes de non-cotisation (plafond de 12 trimestres).
- CNAV – Caisse nationale d’assurance vieillesse : régularisation des cotisations antérieures à un départ à l’étranger.
Ces dispositifs garantissent la continuité des droits sociaux tout au long du parcours professionnel, même en cas de carrière internationale fragmentée.
La question des doubles cotisations
Malgré les accords internationaux, certaines situations génèrent encore des doubles contributions :
- Absence de convention bilatérale entre les pays concernés ;
- Missions temporaires sans certificat A1 ;
- Statuts mixtes (salarié + indépendant) dans deux pays.
Dans ces cas, il est possible de demander un remboursement partiel ou une exonération si la double cotisation est prouvée. Toutefois, les procédures sont longues et dépendent du bon vouloir des administrations concernées.
L’importance d’une planification en amont
Avant toute mobilité, une simulation de coût social est recommandée pour mesurer l’impact des cotisations sur le salaire net et la couverture réelle.
- Les cabinets spécialisés (PwC, Deloitte, KPMG, Mazars) calculent la charge sociale totale et proposent des solutions d’optimisation légale (split payroll, détachement, filiale locale).
- Cette anticipation permet d’éviter des écarts de rémunération pouvant atteindre 20 à 30 % entre deux pays voisins.
En résumé, la cotisation sociale du travailleur mobile n’est pas un simple prélèvement obligatoire : c’est un investissement dans sa protection à long terme, qu’il soit en France, en Europe ou au-delà.
5. La couverture santé et maladie : droits, remboursements, assurance complémentaire
La protection santé représente la première préoccupation des travailleurs mobiles. Un accident, une hospitalisation ou une maladie à l’étranger peut entraîner des coûts très élevés si la couverture n’a pas été correctement anticipée. Les droits et les remboursements dépendent du pays d’affiliation à la sécurité sociale, du type de mobilité (détachement, expatriation, télétravail) et des éventuels accords conclus entre États.
Les droits de base : le principe du pays d’affiliation
Tout travailleur mobile doit être couvert par un régime légal d’assurance maladie dans le pays où il est affilié.
- Si le travailleur reste rattaché à la sécurité sociale française (détachement ou CFE), il bénéficie des mêmes droits qu’en France pour le remboursement des soins.
- S’il est affilié au régime local, il est couvert selon les règles et les barèmes du pays d’accueil.
Exemple :
Un salarié français détaché en Espagne conserve sa carte Vitale et bénéficie d’une prise en charge française. Un autre salarié recruté sous contrat espagnol est remboursé par la Seguridad Social, souvent à hauteur de 70 % du coût réel des soins.
Les soins dans l’Union européenne : la Carte européenne d’assurance maladie (CEAM)
La CEAM permet à tout assuré social d’obtenir des soins médicaux dans un autre pays de l’Union européenne, en Islande, en Norvège, au Liechtenstein ou en Suisse, dans les mêmes conditions que les résidents locaux.
- Elle couvre les soins urgents ou nécessaires (accidents, maladies soudaines, suivi de traitement).
- Elle ne couvre pas les soins programmés, sauf autorisation préalable (formulaire S2).
- Elle est gratuite et délivrée par la caisse d’assurance maladie du pays d’affiliation.
Exemple :
Une ingénieure française détachée en Allemagne peut être hospitalisée à Munich sans avancer la totalité des frais : le régime français rembourse directement via le réseau européen.
Hors Union européenne : des dispositifs très variables
En dehors de l’Europe, la couverture dépend de la présence d’une convention bilatérale.
- Si une convention existe (ex. Canada, Maroc, Japon), les soins peuvent être pris en charge partiellement par les deux régimes.
- Si aucune convention n’est en vigueur, le travailleur doit payer les soins sur place et demander un remboursement forfaitaire auprès de la CFE ou de sa caisse française s’il y est encore affilié.
Dans certains pays, le coût d’une hospitalisation peut atteindre 10 000 € à 30 000 € pour quelques jours de soins intensifs. Sans assurance internationale, ces montants restent entièrement à la charge du patient.
La Caisse des Français de l’Étranger (CFE) : continuité de la couverture française
La CFE assure la continuité de la couverture santé pour les Français vivant à l’étranger.
- Elle rembourse les soins selon les tarifs français (70 % du tarif de la Sécurité sociale).
- Elle permet de bénéficier d’une couverture internationale avec un accès aux hôpitaux partenaires.
- Les remboursements sont effectués en euros, directement sur le compte de l’assuré.
Exemple :
Un consultant français hospitalisé à Montréal pour une appendicite reçoit une facture de 9 000 CAD (environ 6 200 €). La CFE rembourse environ 2 500 €, le reste étant pris en charge par sa mutuelle complémentaire internationale.
Les assurances santé internationales : une couverture complémentaire indispensable
Les assurances privées internationales complètent les remboursements limités des régimes publics. Elles garantissent une prise en charge adaptée au coût réel des soins dans le pays d’accueil.
Les principales garanties proposées
- Hospitalisation et soins médicaux à 100 % des frais réels.
- Consultation de spécialistes, maternité, soins dentaires et optiques.
- Assistance et rapatriement sanitaire (souvent obligatoire pour les entreprises).
- Assurance invalidité et perte de revenu temporaire.
Coût moyen
- Entre 150 € et 300 € par mois pour un adulte seul.
- Entre 300 € et 600 € pour une famille selon la zone géographique.
Les tarifs varient selon l’âge, le niveau de couverture et les franchises.
Exemples de compagnies reconnues
Allianz Worldwide Care, Cigna Global, April International, Axa Global Health ou Henner proposent des offres spécifiques pour expatriés et nomades numériques.
Le cas particulier du télétravail international
Depuis 2023, le télétravail transfrontalier bénéficie d’un statut assoupli au sein de l’Union européenne.
- Si le salarié travaille jusqu’à 49 % de son temps depuis son pays de résidence, il reste affilié au régime du pays d’emploi.
- En matière de santé, il peut bénéficier des prestations dans les deux pays, via la CEAM et les formulaires portables européens (S1, S2).
En revanche, hors de l’UE, aucune règle harmonisée ne s’applique. Un salarié français travaillant à distance depuis Bali pour une entreprise française doit souscrire une assurance privée obligatoire ou adhérer à la CFE pour bénéficier d’une couverture maladie valable.
Les soins programmés à l’étranger : conditions et autorisations
Un assuré social peut se faire soigner volontairement dans un autre pays pour un acte médical spécifique (chirurgie, traitement lourd, maternité).
- Dans l’Union européenne, il doit obtenir une autorisation préalable (formulaire S2).
- Hors UE, le remboursement est exceptionnel et soumis à l’accord de la caisse d’origine.
- La CFE et certaines assurances privées prennent en charge les soins programmés dans la limite de plafonds contractuels.
Exemple :
Une patiente française résidant à Lisbonne choisit une maternité privée à Madrid. Son accouchement est remboursé en partie par la CFE (environ 2 000 €) et complété par son assurance privée.
L’importance d’une complémentaire adaptée
Même lorsqu’ils sont affiliés à un régime public, les travailleurs mobiles doivent envisager une complémentaire santé internationale, qui offre :
- une couverture mondiale (y compris lors des séjours temporaires en France) ;
- un accès direct aux soins privés ;
- et une assistance 24 h/24.
Cette complémentaire constitue un filet de sécurité indispensable, notamment dans les zones où les infrastructures médicales sont limitées ou les frais hospitaliers très élevés (États-Unis, Singapour, Émirats arabes unis).
Synthèse : la santé, un pilier de la mobilité durable
La couverture santé ne doit jamais être considérée comme un simple détail administratif. C’est un élément structurant de la mobilité professionnelle.
- Un salarié détaché peut maintenir ses droits français.
- Un expatrié doit planifier sa couverture via la CFE ou une assurance privée.
- Un télétravailleur transfrontalier doit clarifier sa résidence sociale pour éviter les zones grises.
Une mobilité réussie repose sur un équilibre : cotiser dans le bon pays, être couvert efficacement, et anticiper les besoins médicaux de long terme.
6. Les implications retraite, invalidité, maternité pour les travailleurs mobiles
Si la santé reste la première préoccupation lors d’une mobilité internationale, les droits à retraite, invalidité et maternité déterminent, eux, la sécurité sociale à long terme. Ces trois piliers du système social varient considérablement selon les pays. Les travailleurs mobiles doivent donc comprendre comment leurs périodes d’activité sont reconnues, comment leurs cotisations sont transférées et quels dispositifs leur permettent de préserver leurs droits au fil des déplacements.
La retraite : la totalisation des périodes et les accords internationaux
Dans l’Union européenne
Le principe de totalisation des périodes de cotisation, prévu par le règlement (CE) n°883/2004, garantit qu’un travailleur ayant exercé dans plusieurs pays européens ne perd aucun trimestre.
Chaque État :
- additionne les périodes travaillées dans les autres pays membres pour vérifier l’éligibilité à la pension ;
- calcule ensuite une pension proratisée correspondant à la durée cotisée sur son territoire.
Exemple :
Un salarié français ayant travaillé 15 ans en France, 10 ans en Allemagne et 5 ans en Italie percevra trois retraites nationales partielles, versées séparément par chaque État. La France totalisera ses 30 ans d’activité pour vérifier le droit à pension, mais ne paiera que la part correspondant à 15 années.
Les retraites européennes sont donc cumulables mais non centralisées. Chaque État reste responsable de son propre versement.
Hors Union européenne
Les conventions bilatérales de sécurité sociale prévoient des mécanismes similaires avec une coordination entre les caisses nationales.
- Si la convention existe (ex. France-Canada, France-Maroc), les années cotisées dans les deux pays sont additionnées pour ouvrir le droit à la retraite.
- Si aucun accord n’est en vigueur, les périodes à l’étranger ne comptent pas pour la retraite française, sauf en cas de cotisation volontaire à la CFE ou à l’assurance vieillesse volontaire de l’URSSAF.
Les Français expatriés sans convention bilatérale sont donc invités à maintenir une cotisation volontaire afin d’éviter la perte de trimestres, surtout lorsqu’ils envisagent un retour en France.
Données clés
En 2024, la France comptait environ 2,5 millions de retraités vivant à l’étranger, dont plus de 350 000 bénéficiant d’une pension calculée sur des périodes mixtes France-étranger.
L’invalidité et les accidents du travail
L’invalidité est une composante essentielle de la protection sociale, mais elle est souvent mal connue des travailleurs mobiles.
Les conditions d’indemnisation varient selon le pays d’affiliation, le type d’accident et la durée du séjour.
Le régime européen
Dans l’Union européenne, le principe de coordination s’applique également :
- Les périodes de cotisation dans plusieurs États sont totalisées pour déterminer le droit à pension d’invalidité.
- Si l’incapacité survient dans un autre pays membre, l’État d’affiliation verse les prestations selon son barème.
- En cas de détachement, c’est toujours le pays d’origine qui prend en charge l’accident ou la maladie professionnelle.
Hors Europe
Les conventions bilatérales précisent le pays compétent pour l’indemnisation :
- Le pays où l’accident survient est généralement responsable de l’indemnisation.
- Certains accords (ex. avec le Québec ou la Tunisie) permettent la coordination des rentes d’invalidité entre les deux États.
Les travailleurs français non couverts par un accord doivent souscrire à la CFE – Assurance accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP), qui couvre :
- les accidents de travail à l’étranger ;
- les maladies professionnelles reconnues ;
- le versement d’indemnités journalières et de rentes en cas d’incapacité permanente.
La maternité et la paternité : droits variables mais transférables
Dans l’Union européenne
Les règlements européens garantissent la continuité des droits à prestations maternité et paternité, sous certaines conditions :
- Les périodes d’emploi dans différents États sont additionnées pour l’ouverture du droit.
- Les prestations sont versées par le pays d’affiliation au moment du congé.
Exemple :
Une salariée française détachée en Belgique conserve ses droits français et perçoit les indemnités journalières de maternité versées par la Sécurité sociale française, même si elle accouche à Bruxelles.
Hors Union européenne
Là encore, les conventions bilatérales déterminent les droits :
- Si un accord existe, les périodes cotisées sont reconnues pour le calcul des prestations.
- Sans accord, les prestations maternité ne sont versées que par le régime local (souvent limité ou inexistant).
La CFE offre une couverture spécifique pour les femmes expatriées avec remboursement des frais liés à la grossesse et versement d’indemnités selon le barème français.
La retraite complémentaire et l’épargne individuelle
Les systèmes étrangers n’offrent pas toujours d’équivalent aux régimes complémentaires français (Agirc-Arrco, Ircantec). Pour compenser cette différence, les expatriés ont recours à :
- des contrats d’épargne retraite internationale (PERIN, PERCO, ou assurance-vie expatrié) ;
- des plans d’entreprise mis en place par les multinationales (pensions plans, 401(k), etc.) ;
- ou des dispositifs mixtes (plan français maintenu + plan local).
Ces produits permettent de capitaliser pendant la période d’expatriation, souvent avec des avantages fiscaux dans le pays d’accueil. Cependant, leur fiscalité au moment du retour en France doit être anticipée pour éviter une double imposition.
L’importance de la traçabilité des droits
Une mobilité professionnelle réussie suppose une gestion documentaire rigoureuse :
- conserver les bulletins de salaire et certificats d’affiliation de chaque pays ;
- demander les formulaires européens (E205 pour la retraite, E104 pour la maladie, U1 pour le chômage) ;
- enregistrer régulièrement ses trimestres sur le portail Info-retraite.fr ;
- signaler à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) tout changement de pays ou de statut.
Les périodes de travail à l’étranger sont parfois difficiles à reconstituer plusieurs années plus tard : les justificatifs sont donc essentiels pour faire valoir ses droits au moment du départ en retraite.
Un enjeu de cohérence globale
Les droits à la retraite, à l’invalidité et à la maternité ne sont pas seulement des protections sociales : ils constituent une garantie de continuité professionnelle.
Un travailleur mobile bien informé peut structurer sa carrière sans perte de droits, en combinant les outils disponibles : conventions bilatérales, CFE, assurance volontaire, produits d’épargne.
La mobilité internationale n’exclut pas la sécurité sociale — elle la rend plus complexe, mais aussi plus stratégique.
7. Conseils pratiques pour choisir et sécuriser sa couverture sociale avant mobilité
Anticiper sa protection sociale internationale est essentiel pour éviter les mauvaises surprises : absence de couverture, double cotisation, perte de droits à la retraite ou refus de soins. Les démarches peuvent sembler complexes, mais une préparation méthodique permet d’assurer une transition fluide entre les régimes, quel que soit le pays de destination.
1. Identifier le type de mobilité avant le départ
La première étape consiste à qualifier sa situation professionnelle. Le statut détermine les règles applicables et les organismes compétents :
- Détaché : salarié envoyé temporairement à l’étranger par un employeur français, tout en restant affilié au régime français.
- Expatrié : salarié ou indépendant exerçant durablement à l’étranger, affilié au régime local ou à la CFE.
- Télétravailleur international : salarié travaillant depuis l’étranger pour un employeur situé dans un autre pays (cas soumis à des accords spécifiques depuis 2023).
- Pluriactif : professionnel exerçant dans plusieurs États en même temps (consultant, formateur, pilote, etc.).
Identifier ce statut dès le début permet d’obtenir les bons formulaires (A1, S1, U1) et d’éviter la double affiliation.
2. Vérifier la convention de sécurité sociale entre les pays concernés
Avant tout départ, il faut consulter la liste des conventions bilatérales sur le site du Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLEISS).
Ces accords définissent :
- le pays où l’on doit cotiser ;
- les droits maintenus (santé, retraite, maternité, invalidité) ;
- les modalités d’exportation des prestations.
Exemple :
Un salarié envoyé en Corée du Sud reste affilié au régime français pendant la durée prévue par l’accord bilatéral. En revanche, une mission au Vietnam impose une affiliation au régime local et une assurance complémentaire privée.
3. Maintenir la continuité de ses droits maladie et retraite
Pour éviter les périodes sans couverture, il est conseillé de :
- souscrire une adhésion à la Caisse des Français de l’Étranger (CFE) dès le départ, même pour une courte durée ;
- maintenir ses cotisations retraite volontaires via la CNAV ou l’URSSAF si le séjour dépasse 6 mois ;
- conserver toutes les preuves de cotisation dans chaque pays (attestations, bulletins, certificats d’affiliation).
Les trimestres validés à la CFE sont reconnus par la Sécurité sociale française au même titre que ceux cotisés en métropole.
4. Choisir une assurance santé internationale adaptée
Même avec la CFE, la couverture des frais médicaux à l’étranger reste partielle. Une assurance santé internationale vient compléter ce dispositif.
Critères essentiels de choix :
- Zone géographique : certaines formules excluent les États-Unis ou l’Asie.
- Plafonds de remboursement : au moins 1 million d’euros par an pour couvrir les hospitalisations.
- Rapatriement et assistance 24h/24 : indispensables pour les zones éloignées.
- Couverture de la famille : vérifiez si le conjoint et les enfants sont inclus.
Les contrats combinant CFE + assurance privée garantissent la meilleure protection, avec remboursement à 100 % des frais réels et maintien des droits français.
5. Évaluer les cotisations et les avantages fiscaux
Les cotisations sociales à l’étranger varient de 0 % à plus de 45 % du revenu brut selon les pays. Il est recommandé de :
- demander une simulation du coût social avant le départ (employeur, expert-comptable ou cabinet de mobilité) ;
- comparer le niveau de prestations (santé, retraite, chômage) offert par le pays d’accueil ;
- anticiper les déductions fiscales liées aux cotisations volontaires (CFE, assurance retraite).
Exemple :
Un freelance français à Dubaï paie 7 % de ses revenus à la CFE pour maintenir sa protection maladie et retraite, mais économise les cotisations locales inexistantes. Son gain net est réel, mais il doit prévoir une épargne retraite complémentaire.
6. Préparer les documents administratifs indispensables
Avant le départ, il faut rassembler et conserver :
- le formulaire A1 pour le détachement ou la pluriactivité dans l’Union européenne ;
- le formulaire S1 pour la prise en charge des soins dans le pays de résidence ;
- la Carte européenne d’assurance maladie (CEAM) pour les séjours temporaires ;
- le formulaire U1 pour justifier des périodes de travail à l’étranger lors d’une demande de chômage ;
- le formulaire E205 pour la retraite (totalisation des périodes).
Ces documents facilitent les démarches de réaffiliation au retour ou lors d’un changement de pays.
7. Anticiper les besoins spécifiques : famille, maternité, dépendance
Les travailleurs mobiles doivent intégrer leur situation personnelle dans leur plan de protection :
- Les familles expatriées doivent vérifier la couverture des enfants (soins pédiatriques, scolarité, vaccination).
- Les femmes enceintes doivent s’assurer que les frais de maternité sont couverts sans restriction de carence.
- Les expatriés seniors ou malades chroniques doivent vérifier les exclusions des contrats et prévoir un rapatriement médicalisé en cas de besoin.
Certaines assurances incluent également un service de conciergerie médicale ou un accès prioritaire aux établissements hospitaliers internationaux, très utile en Asie et au Moyen-Orient.
8. Éviter les erreurs fréquentes
Les erreurs les plus courantes lors d’une mobilité internationale sont :
- partir sans certificat A1, ce qui expose à une double cotisation ;
- négliger la couverture santé privée dans les pays sans convention ;
- oublier d’informer sa caisse d’origine du changement de pays ;
- confondre résidence fiscale et résidence sociale (ce ne sont pas les mêmes critères) ;
- supposer à tort que la CEAM couvre les soins dans le monde entier (elle est limitée à l’Europe).
Un audit préalable par un conseiller en mobilité internationale permet de corriger ces points avant le départ.
9. S’appuyer sur les bons interlocuteurs
Plusieurs organismes publics accompagnent les travailleurs mobiles :
- CLEISS : centre de référence pour les conventions de sécurité sociale ;
- CFE : assurance santé et retraite pour expatriés ;
- URSSAF mobilité internationale : gestion des détachements et cotisations volontaires ;
- CNAV : validation des trimestres et coordination retraite ;
- Ambassades et consulats : orientation vers les assurances locales et procédures d’immatriculation.
Les entreprises disposant d’un service RH international doivent également informer leurs salariés des obligations sociales et fiscales avant toute affectation.
10. Prévoir la mobilité à long terme
Enfin, un travailleur mobile doit envisager sa mobilité non comme une parenthèse, mais comme un projet de carrière international.
Cela implique :
- une épargne retraite complémentaire (PER, assurance-vie, plan d’entreprise) ;
- une gestion patrimoniale transfrontalière coordonnée entre pays de résidence successifs ;
- une veille réglementaire sur l’évolution des régimes (réformes européennes prévues en 2026 sur la coordination sociale et le télétravail).
La sécurité sociale devient ainsi un outil stratégique de gestion de carrière, et non plus une simple contrainte administrative.
Une mobilité bien préparée, une carrière sécurisée
La réussite d’une expérience à l’étranger dépend autant du projet professionnel que de la préparation administrative. Une couverture sociale cohérente, bien choisie et actualisée protège non seulement la santé du travailleur, mais aussi son avenir économique.
Entre CFE, conventions, assurances privées et dispositifs de retraite, l’essentiel est d’anticiper — car à l’échelle internationale, la protection sociale n’est jamais automatique.
Conclusion : une protection sociale en mouvement constant
La mobilité internationale transforme la façon de penser la sécurité sociale. Ce qui relevait autrefois d’une affiliation nationale unique devient aujourd’hui un système éclaté, où les droits doivent être préservés, coordonnés et parfois reconstruits à chaque étape du parcours professionnel. Les travailleurs mobiles – salariés, indépendants ou freelances – doivent composer avec des règles complexes, entre cotisations locales, conventions bilatérales, affiliations volontaires et assurances privées.
Dans ce contexte, trois leviers s’imposent comme fondamentaux :
- L’anticipation, pour identifier le régime compétent avant le départ et éviter les doubles cotisations.
- La continuité, grâce à la Caisse des Français de l’Étranger ou à la totalisation des périodes de travail entre pays.
- L’adaptation, via des couvertures complémentaires et des outils de retraite internationaux.
Mais au-delà de la technique, la sécurité sociale des travailleurs mobiles reflète un enjeu plus large : la liberté de travailler sans frontières tout en maintenant la solidarité des systèmes nationaux. À mesure que les carrières deviennent transnationales et que les télétravailleurs nomades se multiplient, la protection sociale se redéfinit comme un droit global, mobile et numérique — un équilibre encore fragile entre souveraineté des États et mobilité des individus.
Sources principales
- Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLEISS) – Dossiers « travailleurs détachés », « conventions bilatérales », « télétravail international ».
- Ministère de l’Économie et des Finances – impots.gouv.fr / urssaf.fr – Régimes de détachement et cotisations des expatriés.
- Caisse des Français de l’Étranger (CFE) – Guide d’adhésion, taux de cotisation et prestations 2025.
- Règlements européens (CE) n°883/2004 et n°987/2009 – Coordination des systèmes de sécurité sociale.
- Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – Études comparatives sur la mobilité du travail et la protection sociale.
- PwC Global Mobility Report 2024 / KPMG Global Assignment Policies – Données sur les cotisations et fiscalités sociales internationales.
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