Comprendre les notions de résidence et source

Un éclairage éditorial sur deux notions pivot de la fiscalité internationale : où vous êtes imposable (résidence) et d’où proviennent vos revenus (source).

Explorez comment les notions de résidence fiscale et de source de revenus déterminent votre imposition internationale et comment en maîtriser les implications.

Le sujet vulgarisé

Imagine que tu travailles depuis plusieurs pays et que tu reçois des revenus de différents endroits. Pour savoir où tu dois payer tes impôts, deux notions entrent en jeu : la résidence fiscale et la source des revenus. La résidence fiscale, c’est le pays où “tu es considéré comme habitant” aux yeux des impôts : là où tu as ton foyer, tu restes plus de 183 jours (6 mois et quelques jours), ou bien là où est le “centre de tes intérêts économiques”. Si tu remplis un de ces critères dans un pays, tu peux devenir résident fiscal de ce pays. Le pays de source des revenus, c’est celui où “le revenu est gagné ou localisé” : par exemple les loyers d’un appartement dans un pays, ou un salaire pour du travail effectué dans ce pays. Pourquoi c’est important ? Parce que si tu es résident fiscal d’un pays, tu es souvent imposable sur tous tes revenus mondiaux, tandis que si tu n’es pas résident dans un pays mais que tu y as des revenus “de source”, le pays peut quand même te taxer uniquement sur ces revenus particuliers. En combinant bien ces deux notions, tu peux définir dans quel pays (ou pays) tu seras imposable, éviter les imprévus et optimiser légalement ta fiscalité.

En résumé

La résidence fiscale détermine où vous êtes imposable globalement, tandis que la notion de source détermine où des revenus spécifiques peuvent être imposés, même si vous n’êtes pas résident. Chaque pays applique ses propres définitions (et conventions internationales de non-double imposition) pour qualifier la résidence ou la source. Pour un individu en mobilité internationale, bien identifier son pays de résidence et la source de ses revenus est crucial afin de savoir : le pays A m’impose-t-il sur tous mes revenus ? Le pays B peut-il imposer mon revenu ? Et dois-je respecter des obligations de déclaration ? Une erreur peut conduire à une double imposition, ou à une imposition non anticipée.

Plan synthétique

La notion de résidence fiscale : définitions et critères
La notion de source de revenu : localisation, nature et conséquences
Interaction entre résidence et source dans la fiscalité internationale
Les conventions fiscales : arbitrage et coordination entre États
Cas pratiques pour les nomades et mobilités internationales
Risques, erreurs fréquentes et pistes de conformité

La notion de résidence fiscale : définitions et critères

Qu’est-ce que la résidence fiscale

La résidence fiscale est la notion juridique qui détermine dans quel pays un individu ou une entité est considérée comme imposable sur ses revenus mondiaux. Lorsque vous êtes résident fiscal d’un État, ce pays peut en principe imposer l’ensemble de vos revenus (internes et externes) selon son droit interne et ses conventions internationales. Par exemple, en France, une personne qui remplit un des critères de l’article 4 B du Code général des impôts est domiciliée fiscalement en France et donc imposable sur ses revenus mondiaux.
Ainsi, savoir quel pays est “le pays de résidence fiscale” est fondamental pour la mobilité internationale et l’optimisation fiscale.

Les critères alternatifs usuels

Les critères sont généralement alternatifs (un seul suffit) et varient selon le pays. En France, les trois principaux critères sont :

  • Avoir en France son foyer ou, à défaut, le lieu de séjour principal (si plus de 183 jours dans l’année, ou encore votre famille reste en France)
  • Exercer en France une activité professionnelle principale, tant salarié que non salarié, sauf si elle est accessoire
  • Avoir en France le centre de ses intérêts économiques : investissements, affaires, siège, revenus principaux tirés de France
    Il faut noter que passer plus de 183 jours dans un pays n’est pas toujours suffisant à lui seul : d’autres éléments comme le foyer ou le centre des intérêts sont examinés.

Résidence fiscale et conflit entre États

Il peut arriver que deux États estiment que vous êtes résident fiscal. Dans ce cas, les conventions fiscales internationales comportent des “tie-breakers” pour déterminer un seul État de résidence. Ces critères sont en général : le foyer permanent, le centre des intérêts vitaux, le lieu de séjour habituel (durée), et enfin la nationalité. Exemple : dans la convention entre la France et un autre État, ce mécanisme est prévu.
En l’absence de convention, ou en cas de conflit, chaque État applique ses propres règles. Cette situation peut générer une double résidence fiscale et compliquer fortement la fiscalité d’un individu en mobilité.

Conséquences de la résidence fiscale

Lorsque vous êtes résident fiscal d’un État :

  • Vous êtes imposable sur l’ensemble de vos revenus, y compris ceux de source étrangère (dans l’État de résidence) sauf convention contraire.
  • Vous devez respecter les obligations de déclaration du pays de résidence fiscale : revenus mondiaux, patrimoine, comptes à l’étranger, etc.
    À l’inverse, si vous n’êtes pas résident fiscal d’un pays mais y percevez des revenus, ce pays peut vous imposer uniquement sur les revenus de source locale (voir partie suivante).

Impacts pour les nomades et mobilités internationales

Pour une personne en mobilité internationale :

  • Le choix du pays de résidence fiscale est stratégique. Il conditionne l’assiette d’imposition, les taux applicables, les obligations sociales et de déclaration.
  • Une absence de changement clair de résidence fiscale, ou un choix mal documenté, peut entraîner la résidence dans le pays d’origine selon l’administration fiscale.
  • Il est indispensable de démontrer une résidence effective : contrat de location, factures, inscription locale, etc., car les contrôles se multiplient.

La compréhension de la résidence fiscale est donc la première étape fondamentale pour toute stratégie d’optimisation fiscale internationale.

La notion de source de revenu : localisation, nature et conséquences

Définir la source d’un revenu

La notion de source de revenu est le second pilier de toute fiscalité internationale. Elle désigne le lieu où le revenu est généré et donc le pays qui dispose, en premier lieu, du droit de l’imposer. Cette règle existe dans toutes les législations nationales et figure dans la majorité des conventions fiscales. Identifier la source d’un revenu est essentiel, car un pays peut taxer des revenus de source locale même si le bénéficiaire n’y réside pas.

Un revenu est dit “de source” dans un pays s’il trouve son origine économique sur ce territoire : travail effectué, bien immobilier situé, entreprise exploitée ou capital investi. Cette règle concerne aussi bien les particuliers que les entreprises. Par exemple, un salarié travaillant physiquement au Portugal pour une entreprise allemande génère un revenu de source portugaise, même si son employeur est basé à Berlin.

Les États distinguent plusieurs types de revenus selon leur source :

  • Revenus d’emploi ou d’activité indépendante : imposables dans le pays où le travail est effectivement accompli.
  • Revenus immobiliers : toujours imposés dans le pays où se situe le bien.
  • Revenus de capitaux mobiliers (dividendes, intérêts, redevances) : imposables dans le pays d’émission ou de distribution, sous réserve d’accords bilatéraux.
  • Plus-values : imposables dans le pays où se trouve le bien ou la société à l’origine de la plus-value.

L’origine géographique des revenus du travail

Pour les salariés et freelances internationaux, la détermination du lieu de travail réel est décisive. Si un consultant français réalise une mission de trois mois à Singapour, le revenu correspondant à cette période est de source singapourienne. Certains pays, comme la France ou le Royaume-Uni, imposent ces revenus même pour des missions courtes si elles sont exercées physiquement sur leur sol.

Les conventions fiscales précisent souvent une durée minimale d’activité (par exemple 183 jours) avant qu’un pays étranger ne puisse imposer un revenu d’emploi. En revanche, sans convention, même une présence de quelques semaines peut suffire à générer une imposition locale. D’où l’importance de vérifier les accords existants avant tout déplacement prolongé.

Les revenus indépendants (consultants, prestataires, créateurs) suivent la même logique : la source est fixée dans le pays où le service est rendu ou consommé. Un designer travaillant depuis la Thaïlande pour un client européen produit un revenu de source thaïlandaise, à condition d’y exercer son activité et de disposer d’un statut local.

Les revenus du capital et leur territorialité

Les revenus du capital (intérêts, dividendes, redevances) obéissent à des règles spécifiques. Par défaut, ils sont considérés comme de source dans le pays de l’émetteur ou du débiteur. Par exemple, des dividendes versés par une société basée à Malte à un actionnaire vivant en Espagne sont de source maltaise. Le pays d’origine du revenu peut retenir un prélèvement à la source, souvent réduit ou annulé par convention.

Les conventions fiscales fixent des taux maximums de retenue. Par exemple, la convention franco-luxembourgeoise limite la retenue sur dividendes à 15 %. Dans les structures internationales, les entreprises organisent souvent la distribution des dividendes via des holdings établies dans des juridictions à fiscalité avantageuse afin de réduire cette retenue tout en restant conformes à la loi.

Les revenus immobiliers : un principe d’ancrage territorial

Les revenus fonciers et les plus-values immobilières sont toujours imposés dans le pays où se situe le bien. Ce principe est universel. Ainsi, un résident fiscal d’Italie qui possède un appartement à Barcelone devra déclarer et payer l’impôt en Espagne sur les loyers perçus, même s’il déclare ses autres revenus en Italie.

Dans certains cas, le pays de résidence du propriétaire imposera à son tour ces revenus, mais en accordant un crédit d’impôt égal à l’imposition étrangère. C’est l’un des mécanismes les plus fréquents pour éviter la double imposition, prévu par la plupart des conventions bilatérales.

Les revenus numériques et les nouvelles règles internationales

La mondialisation numérique a complexifié la notion de source. Les plateformes en ligne, les influenceurs et les créateurs de contenus exercent souvent dans plusieurs pays sans y avoir de présence physique. L’OCDE et plusieurs États européens cherchent à adapter leurs règles pour attribuer la source fiscale à la localisation des utilisateurs ou du marché plutôt qu’au lieu d’établissement de l’entreprise.

Depuis 2021, l’OCDE encourage un modèle d’imposition des multinationales du numérique (Pilier 1 et Pilier 2) fondé sur la présence économique significative plutôt que sur le siège social. Ce modèle redéfinit la source en fonction de la valeur créée par la consommation locale, une évolution majeure pour la fiscalité du XXIᵉ siècle.

Les conséquences fiscales de la source des revenus

La détermination correcte de la source influence directement la charge fiscale. Un contribuable non-résident peut être imposé dans le pays de source via :

  • Une retenue à la source prélevée directement par le débiteur ;
  • Une déclaration locale obligatoire si les revenus dépassent un seuil ;
  • Un impôt spécifique sur les revenus immobiliers ou professionnels.

Certains revenus échappent à la double imposition grâce aux conventions fiscales, mais d’autres, en l’absence d’accord, subissent des impositions cumulées. Dans ce cas, le contribuable doit faire valoir des crédits d’impôt ou des exonérations dans son pays de résidence.

Ainsi, la source détermine l’imposition initiale, et la résidence fixe le cadre global. Pour une planification fiscale internationale efficace, ces deux notions doivent être combinées, documentées et alignées sur la réalité économique.

Interaction entre résidence et source dans la fiscalité internationale

Le principe de complémentarité entre résidence et source

Les notions de résidence fiscale et de source des revenus ne s’opposent pas : elles se complètent. Dans tout système fiscal, ces deux critères permettent de déterminer quel pays détient le droit d’imposer un revenu. La plupart des États appliquent une combinaison des deux principes :

  • La résidence fonde le droit d’imposer la totalité des revenus mondiaux d’un individu ou d’une entreprise.
  • La source fonde le droit d’imposer certains revenus, même si leur bénéficiaire n’est pas résident.

Ce double mécanisme vise à garantir une répartition équitable de la fiscalité entre le pays où la richesse est créée et celui où réside le bénéficiaire. Le problème apparaît lorsque les deux États revendiquent le droit d’imposer le même revenu. Dans ce cas, seul un accord international permet d’éviter une double imposition, souvent grâce à des crédits d’impôt ou des exemptions croisées.

Le principe mondial contre le principe territorial

Les pays se distinguent selon le modèle d’imposition qu’ils appliquent. Certains adoptent le principe mondial (worldwide income taxation), d’autres le principe territorial.

  • Dans le système mondial, le pays de résidence fiscale impose tous les revenus, quelle que soit leur source. C’est le modèle de la France, des États-Unis (pour les citoyens et résidents permanents) ou du Canada. Un résident français, par exemple, est imposé sur ses revenus étrangers, même s’ils ont déjà été taxés ailleurs, avec un crédit d’impôt pour éviter la double imposition.
  • Dans le système territorial, seul le revenu de source locale est imposé. Les revenus étrangers sont exonérés. Ce modèle s’applique notamment à Hong Kong, Singapour, Panama ou Malaisie.

Pour un nomade fiscal, comprendre cette distinction est essentiel. Un résident d’un pays à fiscalité mondiale doit déclarer tous ses revenus, tandis qu’un résident d’un pays territorial ne déclare que ceux provenant de ce pays.

L’exemple d’un conflit fiscal typique

Prenons le cas d’un entrepreneur français installé au Portugal, travaillant pour des clients américains. Le Portugal le considère comme résident fiscal, car il y séjourne plus de 183 jours. Ses revenus proviennent pourtant de clients situés hors de l’Union européenne.

  • Pour le Portugal, le revenu est imposable sur une base mondiale.
  • Pour les États-Unis, la source est étrangère, donc aucun impôt n’est prélevé.
  • Pour la France, si l’entrepreneur y conserve un logement ou une famille, elle pourrait encore le considérer comme résident fiscal.

Résultat : un même revenu pourrait, sans convention, être revendiqué par deux pays. Ce type de conflit illustre la nécessité d’identifier correctement le pays de résidence et celui de la source, puis d’appliquer la convention bilatérale adéquate.

Les conventions fiscales comme mécanisme d’arbitrage

Les conventions fiscales signées entre États fixent les règles de priorité entre la résidence et la source. Ces accords, fondés sur le modèle OCDE, déterminent :

  • quel pays a le droit d’imposer un type de revenu (salaire, dividende, plus-value, etc.) ;
  • comment éviter la double imposition (exonération ou crédit d’impôt) ;
  • comment résoudre les conflits de résidence.

Exemple : un salarié français travaillant six mois par an au Japon sera imposé au Japon sur ses revenus locaux, mais la France accordera un crédit d’impôt équivalent à l’imposition japonaise pour éviter une double taxation.

L’équilibre entre résidence et source dans les revenus mixtes

Certains revenus sont difficiles à attribuer entièrement à un pays. C’est le cas des revenus numériques, des activités de conseil transfrontalières, ou des sociétés à clients internationaux. Dans ces situations, l’imposition peut dépendre de la nature du contrat, du lieu d’exécution, ou du lieu de consommation.

Par exemple, un influenceur vivant en Espagne mais dont les revenus proviennent de marques américaines peut être imposé en Espagne (résidence) mais aussi aux États-Unis (source). Les conventions fiscales récentes tendent à privilégier le pays de résidence tout en accordant un droit résiduel d’imposition au pays de source lorsque le revenu y est significatif.

Les implications pour les entreprises internationales

Pour les sociétés, la distinction entre résidence et source se traduit par des notions comme le siège de direction effective, l’établissement stable ou la substance économique.

  • Une société est résidente fiscale dans le pays où elle est dirigée et contrôlée.
  • Elle est imposable dans tout pays où elle dispose d’un établissement stable, c’est-à-dire une installation fixe où elle exerce une activité économique durable.

Ainsi, une société de droit chypriote dont la direction effective se situe en France sera imposable en France. À l’inverse, une entreprise française ayant une filiale opérationnelle à Dubaï peut y être imposée sur les profits réalisés localement, même si son siège reste à Paris.

L’impact de la mobilité numérique et des nouvelles normes OCDE

Les réformes fiscales internationales modifient profondément la relation entre résidence et source. L’OCDE, à travers le Pilier 1 (réallocation des droits d’imposition) et le Pilier 2 (taux minimum mondial de 15 %), redéfinit la distribution des revenus des multinationales en fonction de la localisation des consommateurs plutôt que du seul siège social.

Pour les travailleurs nomades, cette évolution ouvre la voie à des règles plus fines sur les revenus à distance, avec une taxation progressive fondée sur la présence économique réelle. Ces ajustements visent à éviter les transferts artificiels de bénéfices et à maintenir une cohérence entre la source réelle et la résidence effective.

La clé : aligner la réalité économique avec la fiscalité

Le point commun entre toutes ces situations est la nécessité d’un alignement entre la résidence fiscale déclarée, le lieu d’activité et la source réelle des revenus. Les administrations fiscales privilégient la cohérence : logement, clients, moyens de production, et comptes bancaires doivent correspondre au pays de résidence déclaré.

Une discordance trop marquée (par exemple, un dirigeant domicilié à Dubaï sans activité réelle sur place) expose à une requalification fiscale. Dans la mobilité internationale, la légitimité du montage prime désormais sur la recherche d’un taux faible.

Les conventions fiscales : arbitrage et coordination entre États

Le rôle fondamental des conventions internationales

Les conventions fiscales bilatérales constituent le socle de la fiscalité internationale moderne. Elles ont pour objectif principal d’éviter la double imposition d’un même revenu par deux pays différents et de prévenir la fraude ou l’évasion fiscale. Ces accords fixent la répartition du droit d’imposer entre le pays de résidence et celui de source selon la nature du revenu.

À ce jour, plus de 3 000 conventions fiscales sont en vigueur dans le monde, dont environ 120 signées par la France. Ces accords reposent sur le Modèle de Convention de l’OCDE, actualisé régulièrement pour s’adapter aux évolutions économiques, notamment à la digitalisation et à la mobilité internationale. Le principe central est de garantir une imposition équitable, tout en évitant que les revenus internationaux échappent totalement à l’impôt.

La structure type d’une convention fiscale

Une convention fiscale comprend plusieurs volets :

  1. Détermination de la résidence fiscale : elle précise les critères permettant d’attribuer une résidence unique en cas de conflit (foyer permanent, centre des intérêts vitaux, séjour habituel, nationalité).
  2. Répartition du droit d’imposer selon la nature du revenu :
  • Revenus du travail : imposés dans le pays où l’activité est exercée.
  • Revenus immobiliers : imposés dans le pays où se trouve le bien.
  • Dividendes, intérêts, redevances : imposés principalement dans le pays de source, avec un taux de retenue plafonné.
  • Pensions et retraites : imposées soit dans le pays payeur, soit dans celui de résidence selon les accords.
  1. Mécanismes pour éviter la double imposition : exemption totale ou crédit d’impôt équivalent à l’impôt payé dans l’autre pays.
  2. Dispositions anti-abus : elles empêchent l’utilisation artificielle d’une convention à des fins de contournement fiscal.

Exemple concret d’application

Prenons un salarié français détaché douze mois au Canada.

  • Pour le Canada, le revenu est de source locale, donc imposable au Canada.
  • Pour la France, le salarié reste résident fiscal s’il conserve son foyer principal.
    La convention franco-canadienne prévoit dans ce cas un crédit d’impôt égal à l’impôt payé au Canada. Ce mécanisme garantit que le revenu n’est pas imposé deux fois, tout en permettant à chaque État de conserver sa part légitime de fiscalité.

Un autre exemple : un investisseur italien perçoit des dividendes d’une société basée à Chypre. Sans convention, ces dividendes seraient taxés dans les deux pays. Grâce à la convention Italie-Chypre, la retenue à la source est limitée à 5 %, et l’investisseur bénéficie d’un crédit d’impôt correspondant.

Les conventions multilatérales et la réforme BEPS

Depuis 2017, l’OCDE et le G20 ont introduit la Convention multilatérale MLI (Multilateral Instrument) dans le cadre du projet BEPS. Cette convention permet de modifier automatiquement les conventions bilatérales existantes afin d’y insérer des clauses anti-abus et de renforcer la coopération entre administrations fiscales.

Le MLI intègre notamment :

  • Une clause de limitation des avantages (Limitation on Benefits) qui empêche une entreprise de bénéficier d’une convention si elle n’a pas d’activité réelle dans le pays concerné.
  • Un test de but principal (Principal Purpose Test) visant à écarter les montages fiscaux purement artificiels.
  • Des procédures de règlement amiable entre États en cas de double imposition persistante.

Ces évolutions marquent un tournant : les conventions fiscales ne sont plus seulement un outil de coopération, mais aussi un instrument de contrôle contre les abus.

Les crédits et exemptions d’impôt : deux approches distinctes

Deux grands mécanismes existent pour neutraliser la double imposition :

  • Le crédit d’impôt : le pays de résidence impose le revenu mondial, mais accorde un crédit égal à l’impôt payé dans le pays de source. C’est la méthode la plus utilisée en Europe, notamment par la France et la Belgique.
  • L’exemption : le pays de résidence exonère totalement les revenus déjà imposés à la source. Ce système s’applique souvent aux revenus d’emploi ou de pension dans certaines conventions.

L’application pratique de ces mécanismes nécessite des preuves documentaires : attestations de résidence fiscale, certificats de retenue, ou justificatifs d’imposition étrangère. L’absence de ces documents peut entraîner une taxation erronée.

Les zones grises et les limites des conventions

Malgré leur efficacité, les conventions fiscales ne couvrent pas tous les cas. Certains revenus hybrides – comme ceux liés à la propriété intellectuelle, aux cryptomonnaies ou aux activités numériques – restent difficiles à localiser. Par ailleurs, plusieurs pays à fiscalité avantageuse (par exemple les Émirats arabes unis avant 2022) n’avaient signé que peu d’accords, compliquant la reconnaissance mutuelle de la résidence fiscale.

D’autres situations échappent encore aux conventions, notamment lorsque les revenus proviennent de territoires sans souveraineté fiscale (comme certains territoires d’outre-mer) ou d’entités transparentes (sociétés de personnes, trusts). Ces structures exigent une analyse individualisée, car la résidence et la source peuvent différer entre les associés et la société elle-même.

L’évolution vers une fiscalité coordonnée et numérique

Les conventions fiscales évoluent désormais vers une approche plus intégrée. L’OCDE et l’Union européenne encouragent la numérisation de la coopération fiscale : échange automatisé des données, certificats de résidence numériques et contrôle transfrontalier en temps réel. D’ici 2030, la plupart des États développés devraient adopter des registres fiscaux interconnectés pour suivre les revenus internationaux.

Ces réformes visent à renforcer la cohérence entre les règles de résidence et de source. Elles instaurent aussi une transparence accrue, où chaque pays conserve le droit d’imposer les revenus effectivement liés à son territoire, tout en éliminant les doubles impositions.

Cas pratiques pour les nomades et mobilités internationales

Le cas du salarié expatrié entre deux pays

Prenons l’exemple d’un ingénieur français détaché pendant dix mois en Allemagne par son employeur basé à Lyon. Il conserve son logement en France, où réside sa famille. Dans ce cas, la résidence fiscale demeure en France, puisque le centre de ses intérêts familiaux et économiques y reste établi. Toutefois, le revenu perçu pour le travail effectué en Allemagne est de source allemande. Selon la convention fiscale franco-allemande, ce revenu sera imposé en Allemagne, le pays de résidence (la France) accordant un crédit d’impôt équivalent à l’impôt payé à la source.

Ce cas illustre la logique du partage fiscal : la France, en tant que pays de résidence, conserve une vision globale de l’imposition du contribuable, mais reconnaît le droit de l’Allemagne d’imposer le revenu du travail exercé sur son sol. Cette coordination évite la double imposition et consacre le principe d’équité fiscale internationale.

Le cas du travailleur indépendant en mobilité

Imaginons un graphiste belge travaillant en ligne pour des clients basés en Suisse, au Canada et à Singapour, tout en vivant six mois par an à Lisbonne et six mois à Bruxelles. Si ce professionnel ne prouve pas une résidence principale stable dans un seul pays, il risque d’être considéré comme résident fiscal dans les deux. La Belgique pourrait le taxer sur ses revenus mondiaux, tandis que le Portugal pourrait réclamer l’imposition des revenus produits sur son territoire.

La solution passe par l’application de la convention fiscale bilatérale, qui déterminera la résidence unique selon le lieu du foyer permanent, du centre des intérêts vitaux, ou du séjour habituel. En pratique, il devra prouver sa résidence effective — bail locatif, factures, comptes bancaires locaux — pour bénéficier du régime du pays choisi. Les revenus seront ensuite considérés de source étrangère selon leur origine, ce qui peut ouvrir droit à des exonérations partielles au Portugal (notamment sous le régime des ex-Résidents Non Habituels, RNH).

Le cas du nomade digital installé à Dubaï

Un entrepreneur numérique français s’installe à Dubaï, où il obtient une résidence fiscale grâce à un visa de travail dans une zone franche. Il y crée une société pour facturer ses clients européens et américains. Dubaï ne taxant ni les revenus personnels ni les dividendes, l’imposition locale est nulle. Cependant, pour que son changement de résidence soit reconnu par la France, il doit prouver avoir transféré son centre des intérêts économiques et familiaux.

Si l’administration française démontre que l’essentiel de ses clients, de ses relations bancaires ou de ses décisions de gestion reste basé en France, elle pourra requalifier sa situation en résidence fiscale française, l’assujettissant à l’impôt sur le revenu mondial. Ce scénario montre que la résidence fiscale ne dépend pas uniquement du lieu de résidence déclarée, mais de la réalité économique du contribuable.

Le cas de l’investisseur international

Une entrepreneuse espagnole détient des biens immobiliers en Italie, des actions en Irlande et une société à Malte. Sa résidence fiscale reste en Espagne, où elle vit plus de 200 jours par an. Ses loyers italiens sont de source italienne et imposés localement, tandis que les dividendes irlandais bénéficient d’un taux réduit de retenue à la source de 5 % grâce à la convention Espagne-Irlande. Les bénéfices de sa société maltaise sont imposés à 35 % localement, mais elle reçoit un remboursement partiel ramenant le taux effectif à 5 %.

Cette diversification géographique lui permet d’optimiser sa fiscalité tout en respectant la législation. Cependant, chaque flux doit être documenté : certificats de résidence, justificatifs de retenue, et relevés bancaires. La gestion de la fiscalité internationale du patrimoine exige une coordination rigoureuse pour éviter les erreurs de déclaration et les redressements.

Le cas du retraité mobile en Europe

Un retraité britannique s’installe en Italie après avoir vécu au Royaume-Uni. Ses pensions publiques et privées continuent d’être versées depuis Londres. La convention fiscale entre les deux pays prévoit que les pensions publiques (versées par l’État) restent imposables au Royaume-Uni, tandis que les pensions privées sont imposables dans le pays de résidence, donc en Italie. En revanche, l’Italie peut tenir compte du montant global de ses pensions pour calculer son taux d’imposition, ce qu’on appelle la méthode du taux effectif.

Ce cas démontre que la résidence détermine le cadre général, mais que la source du revenu (ici l’origine des pensions) reste déterminante pour la répartition de l’impôt. Pour les retraités expatriés, le respect des conventions et la planification avant le départ sont essentiels pour éviter les charges fiscales inattendues.

Le cas du salarié frontalier

Un ingénieur habitant à Annemasse en France mais travaillant à Genève relève du statut de frontalier franco-suisse. Il est résident fiscal en France, mais la convention entre les deux pays prévoit que les salaires des frontaliers travaillant dans le canton de Genève sont imposés à la source en Suisse, avec reversement partiel de la recette à la France. En revanche, ceux travaillant dans d’autres cantons (comme Vaud) sont imposés en France, avec exonération de la retenue suisse.

Ce régime repose sur des accords précis entre les États et illustre l’importance du territoire de travail effectif dans la détermination de la source. La frontière n’a donc pas d’effet automatique : tout dépend de la convention applicable et du canton concerné.

Le cas du créateur de contenu international

Un vidéaste espagnol vivant à Bali génère des revenus publicitaires provenant de YouTube (États-Unis) et de partenariats avec des marques françaises. Sa résidence fiscale est indonésienne s’il y séjourne plus de 183 jours par an, mais ses revenus proviennent de sources multiples. Les États-Unis appliquent une retenue à la source de 30 % sur les revenus publicitaires versés à des non-résidents, réduite à 10 % si l’Espagne est reconnue comme pays de résidence grâce au formulaire fiscal W-8BEN. En revanche, l’Indonésie considérera ces revenus comme imposables localement s’ils sont rapatriés.

Ce scénario illustre la complexité de la fiscalité numérique, où la source virtuelle du revenu se combine à une résidence physique souvent mobile. Une documentation fiscale rigoureuse, adaptée à chaque pays, devient indispensable pour éviter les doubles impositions et justifier la légalité du régime choisi.

Enseignements communs à ces situations

Ces exemples démontrent que la fiscalité des nomades dépend de trois piliers :

  1. Une résidence fiscale clairement établie, prouvée par des éléments matériels et familiaux.
  2. Une identification précise de la source des revenus, selon leur nature et leur localisation.
  3. Une application cohérente des conventions fiscales, appuyée par des justificatifs documentés.

Les mobilités internationales offrent de réelles opportunités d’optimisation légale, mais elles requièrent une préparation minutieuse, une traçabilité complète et une conformité totale aux règles de chaque pays.

Risques, erreurs fréquentes et pistes de conformité

Les erreurs les plus courantes chez les contribuables mobiles

Les situations de double résidence ou de revenus transfrontaliers entraînent souvent des erreurs d’interprétation. La première erreur consiste à confondre résidence administrative et résidence fiscale. Beaucoup de contribuables pensent que le fait de vivre dans un pays suffit à y être considéré comme résident fiscal. En réalité, il faut répondre aux critères légaux, prouver la présence effective et, dans de nombreux cas, déclarer la sortie de la résidence précédente.

La deuxième erreur fréquente est de négliger les conventions fiscales internationales. Certaines personnes déclarent leurs revenus uniquement dans le pays de résidence supposée, sans vérifier si un autre État peut revendiquer un droit d’imposition en tant que pays de source. Cette omission peut provoquer un redressement fiscal rétroactif, parfois sur plusieurs années.

Enfin, une erreur fréquente consiste à multiplier les structures sans substance réelle (sociétés-écrans, domiciliation fictive) pour bénéficier d’un taux d’imposition faible. Les administrations fiscales sont désormais capables de détecter ces montages artificiels grâce à l’échange automatique d’informations bancaires et au croisement des données numériques.

Les risques de double imposition et de requalification

Le risque le plus courant en matière de mobilité internationale reste la double imposition. Elle survient lorsque deux pays considèrent qu’un même revenu relève de leur compétence fiscale. Par exemple, un salarié expatrié peut être imposé à la fois dans son pays d’origine et dans son pays d’accueil s’il n’a pas formellement modifié sa résidence fiscale.

Un autre risque majeur est la requalification par l’administration fiscale. Si un contribuable prétend résider dans un pays à faible imposition sans y avoir de vie réelle (logement, famille, activité économique), il peut être considéré comme résident fictif. En France, la Direction générale des finances publiques (DGFiP) dispose d’un service dédié à la vérification des expatriations, utilisant des données bancaires, immobilières et même les paiements par carte pour prouver une présence effective sur le territoire.

Les sanctions sont sévères : rappels d’impôt, intérêts de retard et amendes pouvant atteindre 80 % des montants éludés en cas de mauvaise foi. Dans certains pays, les fraudes organisées peuvent être qualifiées de délit pénal, entraînant des poursuites judiciaires.

Les obligations déclaratives internationales

Même lorsqu’un contribuable n’est pas résident fiscal de son pays d’origine, certaines obligations déclaratives subsistent. En France, par exemple, il faut continuer à déclarer les comptes bancaires ouverts à l’étranger, les contrats d’assurance-vie internationaux et les participations dans des sociétés étrangères. L’absence de déclaration peut entraîner une amende de 1 500 euros par compte et par an, voire 10 000 euros si le compte est localisé dans un pays non coopératif.

Les autres pays développent des obligations similaires. L’Espagne impose la déclaration modèle 720 pour les avoirs détenus hors du territoire. Le Royaume-Uni, les États-Unis ou le Canada disposent aussi de formulaires de reporting international. Ces exigences répondent au Common Reporting Standard (CRS), adopté par plus de 110 juridictions. Les institutions financières transmettent chaque année aux administrations fiscales les soldes et revenus perçus par les non-résidents, facilitant les contrôles automatiques.

Les pistes de conformité et de sécurisation fiscale

Une fiscalité internationale maîtrisée repose sur la transparence, la documentation et la cohérence. Pour sécuriser sa situation, tout contribuable mobile devrait :

  1. Déterminer sa résidence fiscale à l’aide des critères légaux et la documenter (contrat de location, factures, compte bancaire local, visa de résidence).
  2. Identifier la source exacte de chaque revenu (emploi, prestation, dividende, plus-value) et le pays qui détient le droit premier d’imposition.
  3. Vérifier systématiquement l’existence d’une convention fiscale entre les pays concernés et ses modalités (crédit d’impôt ou exemption).
  4. Conserver tous les justificatifs d’imposition étrangère : fiches de paie, formulaires de retenue à la source, certificats de résidence.
  5. Déclarer les comptes et sociétés étrangères conformément aux obligations locales.

Pour les entrepreneurs et investisseurs, la mise en place d’une structure internationale cohérente est essentielle. Une société doit avoir une substance réelle : activité, bureaux, personnel ou prestataire local. Le simple enregistrement d’une société dans un pays à faible impôt, sans opération économique, est aujourd’hui systématiquement requalifié.

Le rôle des conseils spécialisés

Face à la complexité croissante des règles, il devient indispensable de s’entourer de professionnels en fiscalité internationale : avocats, notaires, experts-comptables ou fiscalistes spécialisés. Ces experts évaluent les conventions applicables, établissent les obligations déclaratives et construisent des schémas conformes au droit. Ils peuvent également assister lors de contrôles fiscaux ou d’échanges d’informations entre administrations.

Les cabinets spécialisés proposent désormais des audits de résidence fiscale permettant de simuler plusieurs scénarios de résidence (fiscale, sociale, successorale) avant une expatriation. Cet accompagnement permet de choisir le pays d’accueil le plus adapté au profil, tout en respectant les exigences de légalité.

Une fiscalité internationale plus exigeante

Les prochaines années verront une intensification des échanges de données et une harmonisation accrue des règles entre États. L’OCDE, à travers le Pilier 2, instaure un taux minimum mondial de 15 % pour les multinationales, mais les personnes physiques seront également concernées par un contrôle renforcé des flux transfrontaliers.

Pour les nomades fiscaux, cette évolution impose une gestion rigoureuse de la documentation, des comptes étrangers et des justificatifs de résidence. L’époque où l’on pouvait déclarer un simple changement d’adresse pour éviter l’impôt est révolue. Désormais, la preuve de la réalité économique est la clé de toute optimisation durable.

Vers une fiscalité internationale de transparence

Les administrations tendent à privilégier la transparence à la sanction. Les programmes de régularisation volontaire permettent aux contribuables d’éviter des pénalités lourdes s’ils déclarent spontanément leurs revenus ou avoirs étrangers. De nombreux pays, dont la France, ont adopté ce modèle, avec des résultats positifs : plusieurs milliards d’euros régularisés chaque année.

La mobilité internationale ne doit donc pas être perçue comme un risque, mais comme une opportunité de planification légale et maîtrisée. En comprenant les notions de résidence fiscale et de source des revenus, chacun peut adapter sa stratégie patrimoniale, protéger ses intérêts et respecter les règles internationales.

La fiscalité mondiale de demain récompensera les contribuables transparents, bien conseillés et rigoureux dans leurs déclarations. Plus qu’un simple choix géographique, la résidence fiscale devient un choix stratégique, révélateur d’un mode de vie globalisé, responsable et économiquement lucide.

Sources :

OCDE – Modèle de Convention fiscale (2024)
Ministère de l’Économie et des Finances – impots.gouv.fr (2025)
PwC – Worldwide Tax Summaries (2024)
Deloitte – Guide Global Tax Residence (2025)
EY Mobility & Tax Report (2024)
Tax Foundation – Global Tax Policy (2025)
European Commission – Cross-border Taxation Report (2024)

Retour sur le guide Fiscalités nomades et mobilité internationale

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