Comment les entreprises Big Tech utilisent les données pour pénétrer les marchés réglementés
Il est courant de dire que les plateformes concurrencent agressivement les opérateurs historiques en matière de capture de valeur sur les marchés non natifs du numérique. Une étude récente met en lumière le processus par lequel les entreprises Big Tech pénètrent les marchés réglementés et le rôle que jouent les données dans cette stratégie d’entrée. Comment les Big Tech utilisent-elles les données pour pénétrer les marchés ?
Au cours des dix dernières années, les plateformes ont pris une telle ampleur qu’elles contrôlent directement ou indirectement une part importante de la valeur de nombreux marchés (qu’ils soient purement numériques ou influencés par le numérique). Leur valorisation boursière dépasse les suspects habituels des grandes capitalisations boursières, elles dirigent des industries entièrement nouvelles (la publicité numérique et le cloud par exemple), elles exercent une influence sur la quasi-totalité des marchés de produits de consommation (par leur position d’intermédiation). Récemment, cette influence s’est étendue aux industries BtoB, où nous voyons les plateformes et les grandes entreprises technologiques prendre position dans des chaînes de valeur nouvellement définies.
Une étude récente a conclu à un processus en quatre étapes par lequel les plateformes pénètrent sur de nouveaux marchés, et a souligné le rôle que jouent les données dans ce processus. Avant cela, revenons sur les formes de valeur des données et le rôle qu’elles jouent dans les modèles économiques des plateformes.
Les données, un atout essentiel dans le modèle économique des plates-formes
Il y a trois formes principales de valeur pour les données :
- Produit de base lorsque les données sont achetées ou vendues, soit par des courtiers en données, soit par des entreprises (par exemple des banques ou des détaillants).
- Levier lorsque les données sont utilisées pour améliorer les performances d’un modèle économique existant (réduction des coûts ou augmentation des revenus).
- Actif lorsque les entreprises utilisent les données qu’elles collectent comme l’une des faces de leur modèle économique biface (comme les réseaux sociaux ou les moteurs de recherche) ou lorsqu’elles les utilisent pour accroître leur pouvoir de négociation au sein d’un secteur ou d’une chaîne de valeur.
Nous avons fait valoir que la valeur en tant que produit de base, bien qu’importante si l’on considère les revenus des courtiers en données, est bien moindre par rapport à la valeur générée lorsque les données sont utilisées comme un levier ou même davantage comme un actif.
Dans les plateformes, on peut observer les trois formes de valeur. Dans un précédent billet, j’ai résumé les rôles que jouent les données dans les modèles économiques des plateformes et, plus précisément, la manière dont les plateformes utilisent les données pour accroître leur avantage sur les opérateurs historiques, les autres plateformes et les » complémentaires « . Les données sont la principale ressource utilisée par les plateformes pour gérer leurs services, car elles sont essentielles pour garantir la liquidité et l’équilibre des deux côtés des plateformes.
En outre, les données sont une ressource distinctive que les plateformes exploitent pour avoir un avantage sur les opérateurs historiques grâce à l’effet volant des données (plus il y a de données, meilleur est le service, plus il y a d’utilisation, plus il y a de données, etc.) Enfin, les données sont utilisées par les plateformes pour pénétrer dans d’autres industries et dans les parties en amont de la chaîne de valeur.
Les quatre étapes de la « colonisation numérique »
Les recherches d’Ozalp et al. décrivent plus précisément le dernier rôle joué par les données dans les plateformes, à savoir la manière dont les données sont utilisées pour pénétrer de nouveaux marchés ou parties de la chaîne de valeur.
Ils analysent comment Google, Amazon, Microsoft, Facebook et Apple ont pénétré les marchés de l’éducation et de la santé, et concluent sur un processus en quatre étapes qu’ils nomment « colonisation numérique » :
- Fourniture de services d’infrastructure de données aux opérateurs historiques ;
- Capture directe et indirecte de données dans l’industrie ;
- Fourniture d’informations fondées sur les données ;
- Conception et commercialisation de nouveaux produits et services.
La stratégie d’entrée des entreprises Big Tech s’appuie sur les capacités clés qu’elles maîtrisent (données, infrastructure, IA, cloud, etc.), et elles les utilisent comme un cheval de Troie pour pénétrer de nouveaux marchés.
En outre, ils observent que les entreprises Big Tech finissent rarement par offrir directement le « service primaire » (par exemple, assurer l’enseignement scolaire ou devenir des prestataires de soins de santé primaires), cependant, elles modifient la dynamique du pouvoir dans ces industries au fil du temps en banalisant les fournisseurs de services en place, les transformant en simples compléments. Grâce à ce processus, les entreprises Big Tech contrôlent les données et deviennent des fournisseurs uniques d’une valeur critique basée sur les données.
La stratégie d’entrée des entreprises Big Tech s’appuie sur les capacités clés qu’elles maîtrisent (données, infrastructure, IA, cloud, etc.), et elles les utilisent comme un cheval de Troie pour pénétrer de nouveaux marchés. Elles proposent d’abord leurs données et leurs services technologiques sur des promesses de productivité pour les opérateurs historiques, puis au fur et à mesure que ces derniers les utilisent, la partie « données » de la proposition de valeur devient plus importante, transformant les Big Tech en partenaires nécessaires qui maîtrisent des capacités distinctives.
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