L’application de partage de photos BeReal explore les fonctionnalités payantes pour éviter la publicité.
La start-up souhaite éviter les pièges de ses rivaux américains, alors que les adolescents et les étudiants l’amènent à 15 millions d’utilisateurs quotidiens.
L’application de partage de photos BeReal étudie la possibilité d’ajouter des fonctions supplémentaires payantes pour éviter la publicité de type Instagram, alors que la start-up française est aux prises avec des problèmes techniques causés par l’augmentation massive de sa popularité auprès des utilisateurs de la génération Z cet été.
BeReal est devenue très populaire auprès des adolescents et des étudiants aux États-Unis et en Europe, car elle met l’accent sur la capture d’un moment authentique à un moment précis, sans montage ni filtres, qui sont monnaie courante sur ses rivaux Instagram, TikTok et Snapchat.
L’application est passée de 10 000 utilisateurs actifs quotidiens il y a un peu plus d’un an à plus de 15 millions aujourd’hui, dépassant les objectifs internes. Les initiés s’attendent à ce qu’elle atteigne des dizaines de millions de personnes d’ici la fin de l’année.
« Des tonnes d’applications peuvent trouver des utilisateurs, mais peu peuvent les garder. C’est fascinant de voir à quel point elles parviennent à retenir les utilisateurs… de classe mondiale », a déclaré Jean de La Rochebrochard, membre du conseil d’administration de BeReal et partenaire de Kima Ventures et New Wave, des sociétés d’investissement cofondées par le milliardaire français Xavier Niel.
La société a levé 30 millions de dollars lors d’un financement de série A en juin, mené par Andreessen Horowitz et Accel. Sa valorisation n’a pas été divulguée, mais plusieurs sources ont indiqué au Financial Times qu’elle avoisinait les 600 millions de dollars.
L’ascension rapide de l’application gratuite a déjà attiré des copieurs de TikTok, Instagram et Snapchat, ce qui a suscité des discussions sur le modèle économique à long terme de BeReal.
BeReal et ses dirigeants n’ont pas souhaité faire de commentaires pour cette histoire, qui est basée sur des entretiens avec plusieurs personnes proches de l’entreprise.
Les dirigeants de l’application seraient désireux d’éviter les pièges de grands rivaux américains tels que Facebook et Snapchat, en gardant une petite équipe concentrée sur l’amélioration du produit, plutôt que de lever des sommes considérables auprès de capital-risqueurs pour poursuivre une expansion mondiale.
Cependant, les investisseurs exhortent BeReal à introduire de nouvelles fonctionnalités qui pourraient l’aider à ne pas devenir un « one-hit wonder » comme d’autres applications sociales à la mode, telles que Houseparty ou Clubhouse. Ces discussions ont également porté sur la meilleure façon de monétiser la plateforme sans ruiner l’expérience des utilisateurs.
L’accès au produit de base de BeReal restera gratuit, mais la société envisage de proposer des options payantes. L’approche devrait ressembler à Discord, la plateforme sociale utilisée par les joueurs et les amateurs de crypto-monnaies, qui fait payer un abonnement mensuel à partir de 2,99 $ pour du contenu bonus tel que des autocollants numériques.
Selon ces personnes, aucune fonctionnalité payante ne devrait être lancée avant le second semestre de l’année prochaine. Bien que certains chez BeReal considèrent les publicités comme intrusives, la publicité n’a pas été totalement exclue.
Mais une croissance fulgurante a fait de la monétisation une priorité moins importante pour BeReal que le renforcement de son infrastructure technique. Ses réserves de capital et sa petite équipe signifient qu’il n’y a pas de besoin immédiat de commencer à générer des revenus.
L’entreprise, fondée en 2020 par Alexis Barreyat, 26 ans, compte une quarantaine d’employés travaillant à son siège dans le quartier branché du Marais, à Paris.
En tant qu’ancien rédacteur de caméra pour les influenceurs, Barreyat a vu de première main que le contenu curé des médias sociaux pouvait nuire à la santé mentale des jeunes. Le lancement de son application a coïncidé avec une prise de conscience croissante de la question parmi une nouvelle génération d’utilisateurs.
L’application envoie une notification à chaque utilisateur à un moment donné de la journée, avec une fenêtre de deux minutes pour prendre un cliché à l’aide des caméras avant et arrière du téléphone.
Mais la conception même de l’application qui a fait le succès de BeReal a entraîné de nombreux dysfonctionnements, empêchant temporairement les utilisateurs de télécharger des photos ou de voir les publications de leurs amis. Comme des millions d’utilisateurs essaient d’accéder à la plateforme en même temps, le débit de données ou la concurrence à ce moment-là est comparable à certaines des plus grandes plateformes internet du monde.
Barreyat, qui n’a pas de diplôme d’études secondaires, a fréquenté l’école de codage de Niel, 42, en France. Sa première présentation au chasseur de têtes de Niel, La Rochebrochard, en mars 2020, alors que BeReal ne comptait que 500 utilisateurs, n’a pas abouti.
Mais un an plus tard, après que le fils de Niel ait dit qu’il aimait l’application, La Rochebrochard a rappelé Barreyat. La base d’utilisateurs de BeReal était alors passée à 30 000. Après deux jours de vérification préalable, l’équipe de Niel a investi 1,2 million de dollars pour acquérir une participation de 10 % dans la société.
Malgré son aversion pour la publicité in-app, les campagnes de marketing en personne sur les campus universitaires américains ont été la clé du succès de BeReal.
Son programme d’ambassadeurs sur les campus paie certains étudiants environ 250 dollars par mois, plus une commission d’environ 7 dollars pour chaque nouvel utilisateur acquis. La marchandise BeReal est distribuée lors de fêtes de fraternité ou d’autres événements. La stratégie fonctionne : les États-Unis représentent désormais 40 % des téléchargements de BeReal, selon les données des analystes Sensor Tower, ce qui en fait le plus grand marché de l’application.
« J’aime BeReal parce qu’elle est très transparente », a déclaré Sharon Choi, une ambassadrice de 21 ans à l’université Stony Brook de New York. « Sur Instagram et TikTok, tout est filtré, sur BeReal je n’ai pas besoin de me photoshoper ».
Cependant, certains critiques craignent que BeReal ne dispose pas des ressources nécessaires pour contrôler les contenus préjudiciables, un problème qui touche depuis longtemps les réseaux sociaux.
BeReal ne dispose pas de sa propre équipe de modération de contenu à grande échelle, et s’appuie plutôt sur un filtrage automatisé.
Frances Haugen, une ancienne chef de produit de Facebook qui a dénoncé le géant technologique en accusant Meta de privilégier le profit à la sécurité, a déclaré que la conception de BeReal pourrait rendre difficile l’introduction de fausses informations.
Cependant, le partage de photos éphémères peut conduire au partage d’autres types de matériel nuisible ou offensant.
« Contrairement à TikTok, Facebook ou Instagram, BeReal ne met pas l’accent sur la viralité ou la création d’une grande portée – ce qui signifie qu’il y a moins de possibilités pour le petit nombre de pommes pourries d’avoir beaucoup d’impact – ce qui dissuade les mauvais comportements », a déclaré Haugen. « Dans le même temps, il n’est jamais bon de plaquer des systèmes de sécurité à la fin – j’espère qu’ils ont un plan d’intégrité intentionnel qu’ils tissent dans le développement de leur plateforme. »
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