Des chercheurs chinois affirment avoir trouvé un moyen de casser le cryptage à l’aide d’ordinateurs quantiques.
Les experts évaluent si la méthode décrite dans un article scientifique pourrait marquer un tournant plus tôt que prévu dans cette technologie.
Les experts en sécurité informatique se sont efforcés cette semaine d’évaluer l’affirmation surprenante de chercheurs chinois selon laquelle ils ont trouvé un moyen de casser la forme la plus courante de cryptage en ligne en utilisant la génération actuelle d’ordinateurs quantiques, des années avant que cette technologie ne soit considérée comme une menace.
La méthode, décrite dans un article scientifique publié fin décembre, pourrait être utilisée pour casser l’algorithme RSA qui sous-tend la plupart des cryptages en ligne à l’aide d’une machine quantique de seulement 372 qubits – ou bits quantiques, unité de base de l’informatique quantique – selon les affirmations de 24 chercheurs issus de plusieurs organismes universitaires et laboratoires publics.
IBM a déjà déclaré que son système Osprey de 433 qubits, l’ordinateur quantique le plus puissant à avoir été dévoilé publiquement, sera mis à la disposition de ses clients au début de cette année.
Si ces recherches s’avèrent exactes, elles marqueront un moment important dans l’histoire de la sécurité informatique, a déclaré Roger Grimes, expert en sécurité informatique et auteur.
« C’est une affirmation énorme », a-t-il déclaré. « Cela signifierait que des gouvernements pourraient percer les secrets d’autres gouvernements. Si c’est vrai – un grand si – ce serait un secret comme dans les films, et l’une des plus grandes choses jamais vues en informatique. »
D’autres experts ont déclaré que si la théorie exposée dans le document de recherche semblait solide, tenter de l’appliquer en pratique pourrait bien être hors de portée de la technologie quantique actuelle.
« Pour autant que je puisse dire, l’article n’est pas faux », a déclaré Peter Shor, le scientifique du Massachusetts Institute of Technology dont l’algorithme de 1994 prouvant qu’une machine quantique pouvait déjouer le cryptage en ligne a contribué à déclencher un boom de la recherche sur l’informatique quantique. La méthode de Shor nécessite des machines dotées de centaines de milliers, voire de millions, de qubits, ce qui, selon de nombreux experts, ne sera pas possible avant une décennie ou plus.
Shor a toutefois ajouté que les chercheurs chinois n’avaient pas abordé la question de la vitesse d’exécution de l’algorithme et qu’il était possible que cela prenne des millions d’années. Il a déclaré : « En l’absence de toute analyse montrant qu’il sera plus rapide, je soupçonne que le scénario le plus probable est qu’il n’y a pas beaucoup d’amélioration. »
Le dernier article de recherche est la deuxième fois en moins d’un an que le domaine de la sécurité informatique a été secoué par des affirmations selon lesquelles le cryptage en ligne était en danger imminent d’être brisé. L’année dernière, le mathématicien allemand Claus-Peter Schnorr a publié un algorithme qui, selon lui, constituait un moyen beaucoup plus efficace de factoriser les grands nombres premiers – essentiels pour casser le code RSA -, ce qui le mettait potentiellement à la portée des ordinateurs traditionnels ou « classiques ». Mais il s’est avéré que la technique de Schnorr ne pouvait pas être mise à l’échelle pour fonctionner comme il le fallait pour défier l’algorithme RSA.
Le dernier article de recherche prétend combler les lacunes de la recherche de Schnorr en utilisant un ordinateur quantique pour accélérer la partie du calcul qu’il n’a pas pu résoudre. Il met en évidence l’utilisation de techniques hybrides combinant des systèmes quantiques et classiques, qui sont au cœur de la plupart des travaux en cours visant à trouver des utilisations pratiques pour les machines quantiques.
Les chercheurs chinois ont déclaré qu’ils avaient utilisé leur algorithme pour factoriser un nombre de 48 bits sur un ordinateur quantique de 10 qubits, mais qu’ils n’avaient pas eu l’occasion d’essayer de le mettre à l’échelle pour qu’il fonctionne sur un système beaucoup plus grand.
L’expert en sécurité informatique Bruce Schneier a déclaré que l’article laissait ouverte la question de savoir si la technique fonctionnerait dans la pratique.
« Nous n’avons aucune preuve empirique que le [nouvel] algorithme quantique surmonte le problème d’échelle de Schnorr », a-t-il déclaré. « Il n’y a aucune raison de croire qu’il ne le fera pas – mais il n’y a aucune raison de croire qu’il le fera ». Il a ajouté que les systèmes quantiques avaient déjà atteint l’échelle décrite par les chercheurs, ce qui signifie que leurs affirmations pourraient être mises à l’épreuve très prochainement.
Même si l’affirmation de la recherche s’avérait infondée, Schneier a déclaré qu’elle mettait en lumière une course pour trouver un moyen de casser le cryptage à l’aide d’ordinateurs quantiques bien plus tôt que ce que beaucoup avaient prévu. « Le pari est que, comme dans tous ces cas, casser RSA ne fonctionnera pas », a-t-il déclaré. « Mais un jour, ce pari sera faux ».
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